2) Conséquences directes et concrètes par rapport à la ségrégation

    Longtemps considérés par les Américains de race blanche comme des êtres inférieurs, les Noirs ont émergé peu à peu hors de la condition qui leur était réservée pour réclamer l'égalité non seulement théorique, mais réelle, dans la démocratie américaine. Un des exemples des conséquences du blues sur l'émancipation des noirs américain est celui de Riley King. Un jour des années 1960, Riley King et son groupe arrivent à Memphis pour un concert. Arrivé devant l'immeuble une file d'attente blanche se masse devant l'entrée. Ayant cru qu'il se trompait d'immeuble il demanda à son chauffeur de repartir mais il s'avérait que cet immeuble était le bon. À son entrée en scène le public majoritairement blanc se lève et se met à applaudir BB King, qui se met à pleurer. Lui qui toute sa vie n’avait chanté que devant un public noir se retrouve pour la première fois devant une salle remplie à 90 % de blancs. Cette époque marque le tournant de la ségrégation qui peu à peu perd de la crédibilité devant l'ampleur du blues. La musique va avoir une efficacité étonnante auprès des populations racistes du sud des Etats-Unis qui tendent à diminuer. Vers la fin des années 1950 avec la notoriété d’Elvis Presley et grâce à énormément de musiciens, les groupes de rock adoptent le style musical du rythm’n blues noir. « Ils ont copié le style noir, ou essayé de l’imiter. En tout cas ils ont emprunté beaucoup », s’offusque le chanteur de blues Ike Turner. Mais ces emprunts ont permit le rapprochement social des cultures noires et blanches qui au fil du temps se refermera entièrement. La musique et notamment le blues a permit de rendre les barrières raciales moins insupportables.

 

            A. Les protagonistes

    Après la Seconde Guerre mondiale, les Noirs sont conscients qu'ils sont victimes d'une inégalité raciale très forte, plus économique dans le Nord, plus institutionnelle et politique dans le Sud. Les actions des noirs afin de lutter contre la ségrégation ne s'arrêtent pas au blues, en effet les États-Unis connurent de nombreuses formes d'actions, pacifistes ou violentes dans les années 50 et 60. La désobéissance civile est très populaire à cette époque, les noirs veulent se faire remarquer et entendre de façon pacifiste. Ainsi ils sont nombreux à refuser de céder leur siège à un blanc même dans le compartiment noir. Le 1er décembre 1955, à Montgomery (Alabama), Rosa Parks refuse de céder sa place à un blanc dans le bus. Elle est arrêtée et condamnée à payer une amende de 15 $. Le pasteur noir Martin Luther King indigné par ce nouveau scandale est à l’origine du boycottage des autobus municipaux de Montgomery qui dura 381 jours afin de s’opposer à toute forme de ségrégation raciale. Le mouvement pour l’obtention des droits civiques prend une grande ampleur chez les Noirs. La multiplication des sit-ins et des boycotts permet à la société noire d'enfin se faire entendre et écouté par les blancs. Ils organisent ainsi des sit-ins dans des bars, des salles de jeux, des restaurants réservés aux blancs mais qui finissent la plupart du temps par des passages à tabac ou des gardes à vue. Ainsi s'explique le recours à la violence comme moyen de libération, au cours des années 1950-1960 par plusieurs organisations plus ou moins radicales afin de lutter pour l'émancipation des noirs. Les manifestations en faveur de l’égalité raciale se multiplient dans tout le sud des États-Unis. On retrouve à l’initiative de ces actions plusieurs organisations telles que les Black Panthers, les Civil Rights Movement et des personnalités noires comme Malcolm X, Martin Luther King ou Diane Nash. Le Black Panther Party est un groupe extrêmement violent et armé fondé par Huey Newton et Bobby Seale en Octobre 1966 après l'assassinat de Malcolm X à Harlem, leader du groupe Nation of Islam qui prône la violence comme le seul moyen de se faire écouter. Les populations américaines furent frappées par les affrontements qui, de Philadelphie à Los Angeles, d’Omaha à Detroit, opposèrent régulièrement les communautés noires et les forces de l'ordre tous les étés. Ces mouvements ont disparu du fait de la répression très forte même si pour certains, la solution du « problème noir » doit encore être trouvée par l'affrontement, et non par la parole.

 

    Le 15 avril 1960 un mouvement étudiant noir prend naissance en Caroline du Nord et inaugure une nouvelle manière d'opérer : le sit-in. Il est né du refus de deux jeunes de quitter un lieu réservé aux blancs. D'autres étudiants les avaient alors rejoints. Le mouvement prend de l'ampleur et devient le comité de coordination des étudiants non-violents. Martin Luther King aura un rôle majeur dans la création du comité et dans ces actions.

    Le mouvement le plus important de la déségrégation et de sa prise de conscience est le Civil Right Movement, ce mouvement des droits civiques est fondé en 1955 et il désigne le mouvement américain qui visait à établir une réelle égalité de droits civiques pour les Noirs américains en abolissant la ségrégation raciale. Le pasteur protestant Martin Luther King, apôtre de la non-violence, en devient l'une des figures les plus célèbres. Cette organisation sera dissoute en 1968 à la suite des votes des textes de lois. Cette organisation eu un rôle majeur et a permit la fin de la ségrégation officielle au Etats-Unis. De nombreux bluesmen ont financé ce mouvement par des représentions et c'est le cas pour Louis Armstrong. Il jouait pour des blancs ce qui lui valut de vives critiques allant même jusqu'aux menaces de mort. Selon certains il ne prenait pas assez parti pour le Civil Rights Movement et contre la ségrégation. En réalité il aidait discrètement le mouvement pour ne pas mélanger ouvertement musique et politique. Grâce à cela ses textes touchaient énormément les blancs et acquit une forte influence lorsqu'il parlait sur scène.

    Le Black Panther Party (BPP) se consacre quant à lui à défendre les noirs contre les attaques de la police et à agresser les racistes blancs. Ce groupe d'auto-défense met en place un programme social très important en organisant des déjeuners gratuits pour les enfants noirs, en créant un programme médical pour prévenir l'anémie etc. Les objectifs sont: nourrir, soigner et éduquer. En 1967 le FBI déclare la guerre au BPP qui sera la cible d'harcèlements et d'une répression importante, tellement qu'il disparaîtra en 1973. Cette organisation obtiendra ainsi une notoriété très importante dans les populations noires de 1960 à sa disparition.

 

            B. Une déségrégation lente et difficile

    En 1952 le président Eisenhower prend résolument parti contre état de fait et entreprend la déségrégation du gouvernement et de l’armée. Le 17 mai 1954, dans l’affaire Brown contre la direction de l’enseignement de Topeka, la Cour suprême condamne, à l’unanimité, la ségrégation raciale dans les écoles publiques. D’autres décisions suivent de 1955 à 1956, invitant les autorités locales à la déségrégation. Le 13 Novembre 1956, la Cour Suprême déclare les lois ségrégationnistes de Montgomery illégales. C'est une première victoire pour le mouvement des droits civiques. Pourtant, de nombreux États du Sud tentent de contourner les lois. En septembre 1957, le gouverneur de l’Arkansas, Orval E. Faubus, ordonne à la garde nationale d’empêcher neuf étudiants noirs d’entrer au lycée de Little Rock, engendrant des lynchages de blancs et de noirs devant l'école malgré la présence des forces de l'ordre. La déségrégation est très lente dans les États du Sud : en 1960, seules 765 des 6 676 écoles ont mis fin à la ségrégation et par la suite même si officiellement tout les noirs deviennent égaux aux blancs devant la loi, officieusement les pensées ne sont pas toutes changées et le s persécutions demeurent notamment dans le Sud des Etats-Unis. Par exemple jusqu'en 1960 les noirs n'avaient pas le droit sans certains états de se promener la nuit. S’ils étaient vus ils étaient soit arrêtés, soit abattus. Certains bars ne voulaient pas non plus servir à boire aux noirs et les patrons ne se privaient pas de leur dire de dégager sous peine de représailles. L'importance du blues permit largement ce changement de pensées car les joueurs étaient très appréciés des populations, qu'ils soient noirs ou blancs. L'ampleur qu'a pris le blues grâce aux retransmissions télévisées permit une diffusion massive des idées de contestations et de lutte. De plus dans les années 1950/1960 énormément d'actions violentes ou pacifiques sont menées dans les villes telles que Memphis, Chicago ou Montgomery entre autres. Ces actions prirent une dimension nationale qui se radicalisèrent parfois comme avec l'action incroyable des Blacks Panthers qui s'introduisirent dans le Capitole de Sacramento à 30 hommes armés. Ces actions conduirent à une véritable prise de conscience des blancs sur le fait que les noirs sont aussi des êtres humains comme eux et qu'ils doivent tous être égaux devant la loi. Dans les années 1960 plusieurs textes de lois sont créés et appliqués. Ils sont la conséquence d'une longue lutte ayant connu des hauts et des bas dans un contexte marqué par des tensions interraciales.

 

            C. Les textes de loi

    La prise de conscience que les noirs étaient semblables aux blancs en tous points de vues fut officialisée par l'intermédiaire de deux textes de lois, le Civil Right Act et le Voting Rights Act.

    Le Civil Right Act (Loi pour les droits civiques) du 2 juillet 1964 a été signé par Lyndon Johnson, président des Etats-Unis du 22 novembre 1963 –au 20 janvier 1969. Ces lois fondamentales de l'intégrité des noirs déclarent illégale la discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe, ou l’origine nationale. Il était conçu initialement pour protéger les droits des Afro-américains puis il s'étendit à tous par la suite. À la suite d'un amendement déposé par Howard W. Smith, la protection fut élargie à tous, hommes et femmes. Cette loi permit d'unir tous les américains en interdisant la discrimination dans les bâtiments publics, les administrations et les emplois. Les lois Jim Crow des États du Sud qui empêchaient aux noirs d'exercer un métier précis, de se marier avec une blanche ou qui obligeaient les bus, les bars, les trains ou les restaurants à avoir des compartiments séparés suivant la couleur de peau durent ainsi abolies. L'efficacité de l'application de cette loi permit l'égalité quasi-totale des différentes races. Un droit restait réservé aux populations blanches, le droit de vote.

    Le Voting Rights Act (Loi sur les droits de vote) est une loi du Congrès des États-Unis ayant aussi été signée par le président Lyndon Johnson le 6 août 1965. En théorie les Afro-Américains disposaient du droit de vote depuis 1870 et le vote des 14e et 15e amendements de la constitution des États-Unis mais ce droit n'était donné qu'aux noirs qui pouvaient payer une taxe importante et qui réussissaient à passer un test d'aptitudes scolaires extrêmement difficiles, rendant presque impossible l'obtention du droit de vote pour la plupart des noirs. Le Voting Rights Act supprima entre autres ces restrictions et permit donc à toute la population noire de voter.

    Ces différents textes de lois permirent ainsi aux noirs d'être officiellement égaux aux blancs mais officieusement les siècles d'esclavage, de racisme et de ségrégation raciale ne purent être oubliés. De nombreux blancs considéraient encore les noirs comme des sous-hommes relayés au rang d'animaux et nombreuses étaient les personnes qui les insultaient ouvertement, refusaient de les servir ou de manger à leurs cotés. Le blues permit au final de rassembler ces deux populations grâce à la force de la musique. L'influence du blues à cette époque était très forte et le fait qu'Elvis Presley ou Riley King dénoncèrent comme de nombreux bluesmen la situation des noirs dans les ghettos et au quotidien permit une véritable prise de conscience chez les jeunes blancs. La lutte pour l'émancipation des populations blanches a été longue et difficiles et c'est grâce à de nombreux acteurs, organisations comme artistes, personnalités comme inconnues, que ce combat s'intensifia et se fit entendre puis écouter. Le blues eu donc un rôle important dans ce changement de pensée qui amènera en 1964 à la fin officielle de la discrimination sociale et raciale aux États-Unis d'Amérique.

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